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Photo du rédacteurYaëlle

La banalisation du racisme aux Antilles-Guyane

Dernière mise à jour : 12 avr. 2020


Salut les amis, comment allez vous ? J’ai l’impression de ne poster que le dimanche, mais j’aime partager un peu avec vous ce qui me passe par la tête…

Aujourd’hui je trainais un peu sur Facebook et je suis tombée sur la page d’un concept plutôt chouette en Guyane : le Yana Comedy. Je ne suis pas adepte du stand-up et même si j’aime aller au Panam’ Café de temps en temps, je vous avoue que je ne suis pas très bonne cliente des blagues debout (Stand Up, vous comprenez le jeux de mots ? mdr). Cependant je trouvais qu’ouvrir un collectif local afin de développer et exporter l’humour des jeunes talents guyanais c’était vraiment cool. J’ai donc regardé un peu les vidéos et je suis tombé sur le Sketch d’un jeune homme nommé Rodman. Bien que je sois persuadée que ce jeune homme ait du talent et soit un bon comédien, cette performance m’a mise mal à l’aise, je vous laisse regarder la vidéo.

Le thème abordé était je trouve intéressant à exploiter et le sketch aurait pu être drôle. Mais quelle était ma déception quand il a commencé à virer au racisme de groupe.

« Et là (…) il y a l’homme qui entre (…) un homme assez grand, noir. (Rires du public) Noir mais noir (le public propose « charbon »), un noir assez obscur (rires du public), très dans la noirceur (un membre du public propose « bleuté ») voilà bleuté ! » Il remercie cette proposition et demande au public d’applaudir le génie qui a trouvé cette pertinente comparaison. Puis il parle de son nez : « Un dispositif respiratoire assez large », le public rit aux éclats.

Certains ont tendance à oublier que nos ancêtres ont été réduits à 400 ans d’esclavage et d’extermination justement car leur peau était beaucoup trop noire, leur nez beaucoup trop large et leurs cheveux beaucoup trop crépus pour qu’ils soient considérés comme des êtres humains par leurs colonisateurs. En trainant un peu sur internet, nous pouvons facilement trouver d’où vient le métissage, et si aujourd’hui c’est une richesse, une (r)évolution, au 17ème siècle son but à l’origine était tout simplement l’extinction de la race noire afin que les prochaines générations ne soient plus esclaves. Sinon, certains étaient mulâtres car leur charmante mère s’était faite violée par son maître. Deux déductions plausibles et crédibles qui n’en n’excluent pas d’autres, bien entendu.

Pub Banania

Ce sketch a fait monter en moi un sentiment de honte et de stupéfaction. Oui "monter". Car ce racisme collectif, je l’ai connu dès mon plus jeune âge en Guyane, quand j’arborais fièrement mon afro ou mes nattes que ma mère me faisait avec amour (lol) et que mes camarades, surveillants et parfois professeurs, me conseillaient avec grande insistance de défriser mes cheveux. Si je me défrisais les cheveux je serais belle car mes cheveux crépus gâchaient toute ma beauté selon leurs dires. Je vous passe aussi les surnoms du type « paille de fer » et autres. Imaginez leur hébétude quand je leur apprenais que mon père était africain ! C’est comme si je venais d’une autre planète…

Il existe un véritable problème de racisme délibéré et d’élitisme des races aux Antilles-Guyane. Pourquoi avoir une peau très noire et un gros nez devraient être des critères de laideur ? Pourquoi considère t-on qu’une jolie fille est forcément métisse avec des cheveux bouclés ?

Ce passage de Monsieur Rodman m’a permis de constater qu’après toutes ces années de Black Power, de Black Lives Matter, de Nappy Movement, de 12 Years a Slaves, les mentalités restent les mêmes. Et quand on me parle de racisme en métropole, je me rends compte que je ne l’ai connu nulle part d’autre qu’en Guyane… Par des personnes noires ou ayant un parent noir ! Comment peut on s’attendre à ce que les autres nous accepte si nous ne nous acceptons pas nous mêmes ? Était-ce de la méchanceté, je ne pense pas. Notre ami Rodman n’a lui même je pense aucune conscience que son texte est d’un racisme indécent. À croire qu’il aurait pu assister au Brainstorming des publicités Banania, Qiaobi ou encore d’autres pubs racistes des années 60.

Je pense qu’il y a un refoulement collectif de nos origines africaines, qui pour moi devraient autant être une fierté que nos métissages. Une manière pour nous de ne pas oublier d’où nous venons.

Donc amis Guyanais, qui ont trouvé ce stand-up drôle et plutôt vrai, sachez que le racisme c’est dépassé, qu’il y a autant de belles femmes noires, que de belles asiatiques, que de belles caucasiennes, que de belles métisses, et j’en passe. Sans revendiquer que que ce soit, nous pouvons être fier d’être noir, choisir de l’assumer et de considérer que c’est une chance !

Bisous de toutes les couleurs,

Latoyah.

Dessin de la talentueuse Sanaa K http://www.sanaa-k.com


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